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Jean-Claude TARDIF

Écrivain, Poète, Nouvelliste, Éditeur de la revue A l'INDEX

Jean Claude TARDIF

BIO de Monsieur Jean-Claude TARDIF : Il est né à Rennes en 1963 dans une famille ouvrière. Guillevic et Claude Vaillant l'encouragèrent à écrire. Aujourd'hui, polygraphe il est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages de proses et de poèmes, et a été accueilli par nombre d'anthologies et revues. Certains de ses textes ont été traduits en allemand, anglais, espagnol, italien, portugais, roumain, turc... Revuiste, il dirigea de 1987 à 91 «Le Nouveau Marronnier». Puis créa en 1999  la revue «À l'Index». De 1997 à 2012 il anima «Les Rencontres du Livre à Dire», où il reçut des auteurs et artistes, tant français qu'étrangers. Parallèlement à son travail d'écriture, il collabore ou a collaboré régulièrement avec des artistes. Jean-Michel Marchetti, Bernadette Cullafroz,

Jean-Claude Le Floch, Michel Goulet, Claude Goument, Claudine Goux, Corinne Lemerle ou Marjon Mudde Julie Laillet, Nicolas Courtin. Au fil des ans ses poèmes ou ses proses ont été portés par les voix de : Daniel Gélin, Pierre Debauche, Guy Lavigerie, Jean-Pierre Chères, Michèle Berranger, Jean-Louis Millet, Éveline Legrand, Benoît Fourchard...

Du même auteur

- ouvrages disponibles -

« À Contre-Fruits » (poèmes) Éditions Éditinter -2004

   illustrations Claudine Goux

« Pierre Taillande » (novella) Éditions Rafaël de Surtis – 2007

« Les Tanka Noirs » (Tanka) Éditions Rafaël de Surtis – 2008

« La Nada » (nouvelles) Éditions Le Temps Qu'il Fait – 2009

« Les Jours, père » (récit) Éditions La Dragonne – 2009

   préface Philippe Claudel

« Claire-Obscur » (roman) Éditions Les Promeneurs Solitaires - 2010 

« Le Bestiaire Improbable » Éditions Éditinter – 2011

   illustrations Claudine Goux

« Guahanani » (poème) Éditions Clarisse – 2011

« Post-scriptum au chien noir » (nouvelles) Éditions Le Temps Qu'il Fait – 2012

« Le Bestiaire Minuscule » (poèmes)  Éditions Éditinter – 2013

   Préface Michel Baglin/ Illustrations Jacques Basse

« La Vie Blanchit » (poèmes) Éditions La Dragonne -2014

« Navaja, Dauphine & accessoires » (nouvelles) Éditions Rhubarbe – 2015

« Simplement... Presque blanc... » (poème(s)) - Éditions Éditinter – 2018 -

« Le Casse  Corps » - (poèmes) Éditions Éditinter – 2019 -

« L'Aphabête »  - (poèmes) Éditions Éditinter – 2019 -

   Préface Georges Cathalo/ Illustrations Claudine Goux

« Noir suivi de Métamorphose du corps noir » - (poèmes) Éditions Éditinter – 2019 

   Illustrations Jean-Michel Marchetti

« Contes gris »  (roman) - Éditions Racine & Icare – 2020 -

« Je vous regarde » - (textes courts) Éditions Éditinter – 2020 -

   Photographies Jean-Michel Marchetti

« Les liens du san(G)s » Éditions JKDC - Couverture Dominique CREUZET - 2021

LE CORPS EN CASSE - LES LIENS DU SAN(G)S

Rares sont les livres où le lecteur vibre du premier mot jusqu’au dernier, porté par le souffle qui est devenu corps dans une écriture où il n’y a pas une lettre de trop, pas une qui ne ferait défaut. LE CORPS EN CASSE  fait indubitablement partie de ces œuvres. Les textes sont limpides, profonds, ils s’ouvrent à l’espace, à l’infini, à l’in-fini du corps, du poème. C’est sur et sous la peau effleurant l’espace que  résonne l’écho renvoyé par le corps,  ce même corps qui dans une interaction incessante devient le fond sur lequel rebondit à son tour l’écho. En déshabillant la langue de tout superflu, Jean-Claude TARDIF , tel un amant, fait surgir le poème, le corps: « Ce qui se passe / sous la peau // Ce qui se passe / sur la peau// nous appartient // le Monde // n’en sait que peu de choses// quoi qu’il en dise ». Le corps – la peau, la peau – le corps,  qui révèle l’autre ? L’interaction est un va-et-vient permanent entre le savoir du corps et le ressenti de la peau, un dialogue entre espace intérieur et extérieur : « Où sont les limites / une fois / dépassée la limite // la peau / se suffit-elle // quand le silence / l’enferme ? » « La peau tient / à distance // toujours // l’interne ou l’externe ». Jusqu’à jouer la confusion quand l’un interpelle pendant que l’autre emprunte le reflet au premier,  devient un leurre : « La peau // l’appel // Le corps / l’appeau ». Il en est ainsi pour la langue, ce corps qui nous permet d’émerger de l’indéfini : « Chaque mot / est un corps / qui devient // Chaque corps / est une phrase qui s’éloigne // le silence / pour l’un et l’autre. ». Il y a le silence, puis la lettre : avec la naissance du poème  tout un monde de  mots qui nous interroge.

Article de Irène CLARA

Pour la revue de poésie "Florilège"

Critique revue " Encres Vagabondes"

https://www.encres-vagabondes.com/magazine7/tardif7.htm

Jean-Claude TARDIF
« Les liens du sang(s) »

 

Ces vingt-quatre nouvelles courtes (de quatre à huit pages) creusent, comme le titre l’indique, de façons fort diverses le sillon de la filiation. « Et ce n’est pas là chose légère, futile, que la relation d’un père et de son fils. » (Transmission). Plus de la moitié des récits s’attachent à la relation du fils au père, intense ou espérée en vain, fugace, trop vite rompue ou simple objet de fantasme quand l’identité même de celui-ci reste à l’enfant inconnue. Ce lien spécifique peut être le sujet principal du récit ou se trouver brièvement évoqué en périphérie de l’histoire centrale dans un détour annexe mais toujours significatif. Cette relation filiale nous est majoritairement restituée par le fils. Sauf dans Pas ce soir où un vieux militaire dans un établissement pour personnes âgées attend chaque semaine la venue d’un fils qui ne vient jamais ; dans Le marcheur ou Une petite histoire de famille, c’est par le biais du père que l’histoire nous sera contée. Ceux-ci sont boucher, cordonnier, assassin, militaire, professeur, écrivain, tendre et effacé ou alcoolique et violent, taiseux certaines fois, autoritaire à d’autres, trop absent souvent. Dans plusieurs nouvelles, notamment N’allez pas croire que cela soit facile ou Comme une parenté, ce sont les mères qui laissent d’indélébiles traces chez les fils qui s’expriment. Le sujet peut en être aussi le couple, celui des parents du narrateur bien sûr mais aussi de voisins de palier ou de relations proches comme dans Aymée, Armand et la photographie qui dit si bien l’amour « quoi qu’il en soit », ou encore en creux dans le cas de l’orphelin d’Il aurait suffi. Bref, on nage dans des histoires de famille, avec les secrets qui s’y cachent, les mensonges, les frustrations générées et parfois les drames qui en découlent.
 
S’il y a quelques naissances porteuses d’espoir dans Les liens du sang, elles restent peu nombreuses en regard du nombre de décès. Et si certains s’éteignent naturellement de vieillesse ou de maladie, la mort violente, par accident, suicide ou agression criminelle n’est pas en reste. On y trouvera deux tueurs et une tueuse en série et des assassins occasionnels ayant refroidi une petite dizaine de personnes. De quoi donner une dominante noire ou polar à ce recueil où le suspense est fort bien entretenu. Partout, ici la mort rôde :   
« J’avais roulé ma bosse, exercé bien des métiers. Orpailleur au Mato grosso, liftier à Buenos Aires, homme d’affaires à Caracas, coursier ici et ailleurs, guide à Cuzco. (…) Dans un premier temps de mon périple, j’avais même accompagné le sous-commandant Marcos au Chiapas. Comme infirmier (…) J’ai vu la mort de près, je l’ai touchée du doigt sous les uniformes dépareillés. J’ai appris à la reconnaître (…) Parfois elle était belle (…) À d’autres moments, elle n’était que laideur et ressemblait à la misère. » (Revenu de loin)
Par l’intermédiaire des grands-parents ou des plus vieux, les drames de la grande Histoire viennent également croiser les histoires familiales avec des parents juifs exterminés lors de la Seconde Guerre mondiale : « J’avais pour ma part fort peu connu mes parents, qui avaient eu le tort d’appartenir à une minorité en un temps où seule la majorité avait pignon sur rue. C’est d’ailleurs dans une de ces rues qu’on les avait raflés (…) Plus jamais je ne les revis. » (Une petite histoire de famille), des victimes de la guerre d’Espagne (Argeles sur mer) ou de la guerre d’Indochine : « Maï Lin était, en effet, orpheline. Nos troupes lui ayant grandement, sur ce point, facilité la chose en la débarrassant d’une famille aussi nombreuse que pro Hô Chi Minh » (Une petite histoire de famille). Cette dernière nouvelle est du reste une des plus émouvante dans la manière dont elle conjugue le contexte et l’individu entre guerre et racisme. Le narrateur en est un des pères narrateurs qui, comme quelques fils, se sont à un moment engagés dans l’armée.  
Et puis il y a dans Monsieur Charles, la mort invisible de Fredo le sans-domicile mort de froid et celle de ses semblables lors des rixes de rue en lutte pour de la nourriture ou une place mieux abritée.
Dans ces différentes histoires l’alcoolisme s’immisce plus souvent qu’à son tour. Tout particulièrement dans Récidive qui aborde les violences conjugales dues à l’abus d’alcool avec une chute admirable et inattendue qui laisse coi, ou dans Comme une parenté qui se termine sur deux morts et un coupable qui n’est peut-être pas celui que l’on pourrait croire. Les photos, traces d’un passé oublié ou caché, y jouent aussi leur rôle.

Enfin, Jean-Claude Tardif, ici et là, sème quelques références littéraires évoquant Aragon, Paulhan, Char, Camus, Guilloux dans Hagiographie (fiction très inspirée du personnage de Louis-Ferdinand Céline), Stevenson, Féval et Corbières dans Aymée, Armand et la photographie, Chateaubriand et Cocteau dans Tout est question de perspective avec cette phrase attribuée à ce dernier : « Si un mystère nous échappe, feignons d’en être l’organisateur ». Conan Doyle y fait aussi une brève apparition dans Le complexe de Reichenbach.

L’écriture travaillée, rythmée, ciselée et sans fioriture de Jean-Claude Tardif donne vie à ces nouvelles graves en les positionnant à la lisière de la littérature de genre, polar ou fantastique, et de la nouvelle classique, en trempant sa plume tantôt dans le sang, tantôt dans le vin, tantôt dans la douleur mais aussi dans le rêve, les émotions, un sourire ou le bruissement de l’eau ou du feuillage. Ajoutons à cela une tension bien entretenue, un art de la chute et une bonne dose d’humour noir par moments, cinglant ou plus joueur à d’autres :
À propos du médecin légiste fils de boucher : « Mes collègues quant à eux, disent simplement – avec cet humour qui, paraît-il, est propre à notre profession – que je perpétue une certaine tradition familiale. »  (Le fils du boucher)
« Je n’ai connu mon père que brièvement. Nous nous sommes croisés après une dernière poussée, un premier cri, au sortir de l’utérus. » (Une brève rencontre)
« Il a l’agilité d’un chat noir, disait La triche (…) Il a dû hériter ça de sa mère, disparue comme ça – elle claquait des doigts – quelques semaines après sa naissance. La sienne de disparition, n’affecta ni n’émut grand monde, excepté les mauvaises langues qui perdaient là une des leurs. » (Sur le métier remettre l’ouvrage) 

Jean-Claude Tardif parvient dans Les liens du sang à nous embarquer dans de drôles de voyages, où le mystère, le tragique mais aussi la lumière et la tendresse se tapissent derrière la banalité la plus quotidienne. Ses héros, « humains ballottés par des destins tumultueux » comme l’écrit Jacques Nunez-Teodoro dans la préface, sont nos voisins, nos cousins, nous-mêmes peut-être par instants, leurs douleurs et leurs espoirs résonnent en nous et permettent à l’auteur, sans masque, avec conviction, empathie et subtilité, de se dire, de dire le monde qui déraille, la violence réelle ou symbolique, les secrets et la frustration qui détruisent des vies et l’amour et la joie qui les illuminent.
Du travail d’orfèvre, à lire en solo dans l’intimité ou à voix haute pour le partage, à déguster dans l’ordre ou le désordre mais sans précipitation car chaque détail ici a son importance. Du bel ouvrage !

Dominique Baillon-Lalande (18/08/21)

   

Éditions JKDC - (Mai 2021) - 128 pages - 15 €

Jean Claude TARDIF Les liens du sang(s) 19-11-2021
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